[Rencontres & Débats] Society : changer de regard sur la création artistique des personnes en situation de handicap

30.11.2022

Programmé aux 44es Rencontres Trans Musicales, le collectif musical Astéréotypie est né d’un projet mené à l’Institut Médico-Éducatif avec des artistes autistes. Leur dernier album paru cette année a reçu une certaine exposition médiatique, qui a amené le magazine Society à se poser la question : notre regard sur les œuvres créées par des personnes en situation de handicap est-il en train d’évoluer ? Le jour suivant le concert d’Astéréotypie au Parc Expo, Jean-Vic Chapus, journaliste du magazine, viendra ainsi animer une table-ronde sur le sujet aux Rencontres & Débats du festival. On en discute avec lui.

Dans le cadre des Trans Musicales, Rencontres & Débats rassemble chaque année une dizaine de rendez-vous, rencontres, ateliers ou conférences où sont traités des sujets de société liés au secteur musical. Ces rencontres sont gratuites et ouvertes à toutes et tous !

Les Trans : Pourquoi cette rencontre va-t-elle passionner les publics des Trans Musicales ?
Society : « La rencontre va se tenir le lendemain du concert d’Astéréotypie [jeudi 8 décembre au Parc Expo, Hall 3] et s’inscrit dans sa continuité. Elle va intéresser les publics parce qu’au-delà du groupe, il y a beaucoup de projets artistiques menés par ou avec des personnes en situation de handicap (PSH) qui créent quelque chose de singulier. Les Trans Musicales est d’ailleurs l’un des festivals qui a le plus joué le jeu de reconnaître cette réalité ; des artistes comme Choolers Division et The Daniel Wakeford Experience ont été invités par Les Trans les années passées. Et Astéréotypie, plus encore que ces deux projets, a eu une certaine résonance dans la presse nationale et régionale. Pour une fois, on n’y parle pas trop de handicap : on met en avant leur création musicale, que les chansons sont intéressantes, que leurs concerts sont bons. »

Les Trans : Pourquoi est-il important de se poser cette question en 2022 ?
Society : « Si on ne se pose plus la question du handicap, si on regarde d’abord à quoi ressemble le projet artistique développé, c’est que les choses vont dans le bon sens, que des portes commencent à s’entrouvrir. Dans les réactions critiques, j’ai l’impression que les musiciens d’Astéréotypie sont de moins en moins attachés à l’Institut Médico-Éducatif, à ce truc de bonne conscience, où l’on sent le besoin d’en faire l’éloge… On écoute les paroles, on juge la production en tant que telle, et ça, c’est un peu nouveau. »

Les Trans : Quel intérêt d’en parler avec les Trans et pendant les Trans Musicales ?
Society : « Il nous semble toujours intéressant de rapprocher le plus possible les débats avec un événement que les spectateurs pourront voir sur scène. Et j’ai toujours eu l’impression que les Trans Musicales n’est pas qu’un festival de musique qui enchaîne les groupes : c’est aussi un festival qui raconte un fait saillant de l’évolution de la société à travers le choix de certains artistes. Le fait qu’Astéréotypie passe aux Trans, ça veut peut-être dire que 2022 est une année où l’on vient au fait que la création par des PSH est normale : c’est de la création, oublions le mot handicap. En réalité, ça existe dans la musique depuis longtemps. Mais peut-être qu’aujourd’hui notre façon de définir quelqu’un un de valide ou de non-valide commence à bouger. »

Les Trans : En quelques mots, c’est quoi Society ?
Society : « Society est un magazine créé en 2015 par le groupe So Press, qui fait des mensuels en « So » (So Foot, So Film) et beaucoup d’autres choses. Society, c’est un magazine qui parle d’actualités au sens général, comme le font L’Express ou l’Obs. Notre particularité, c’est qu’on considère que tout peut être expliqué de façon sociétale : quand un film ou un album marche bien, ça dit quelque chose sur la société. Et tout se fait en conditions de reportages, c’est-à-dire qu’on va sur place, on rencontre les gens, on prend le temps de travailler les sujets. On essaie de faire des projets un peu humains. »

Les Trans : À propos d’Astéréotypie, pourquoi avoir choisi les paroles d’un de leurs morceaux, « La vie réelle est agaçante »*, pour illustrer la rencontre ?
Society : « J’adore le titre de la chanson [Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme] et cette phrase en particulier est une punchline qui synthétise l’état d’esprit de beaucoup de personnes. Si je faisais une campagne politique aujourd’hui, ce serait mon slogan. Aussi, ça résume la table ronde et le débat : qui est-on pour décider qu’un artiste dit ‘valide’ est dans la norme, mais qu’un artiste en situation de handicap produirait quelque chose de fantaisiste, hors du réel ? Il faudrait renverser la perspective. Il se peut que ce qu’on écoute en musique, ou ce que l’on consomme en art, ne représente pas tout à fait la réalité du monde ; parce que l’art est une réflexion de la société, et c’est peut-être à travers ces groupes qu’on la voit. La vie réelle est agaçante, et les projets comme celui d’Astéréotypie sont tout à fait galvanisants. »

* Paroles du morceau Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme de l’album du même nom paru cette année.

Rencontre organisée par Society et Les Trans :
« La vie réelle est agaçante » : réflexions autour de la création artistique et des situations de handicaps
Vendredi 9 décembre, 16h30-18h30
Salle 100 de la Maison des Associations
6 Cours des Alliés, Rennes
Gratuit / Ouvert à toutes et tous

Avec Antoine Capet, fondateur de l’initiative Brut Pop, Emmanuel Le Barbier, éducateur spécialisé au DIME La Brétèche, site de Rennes (dispositif d’inclusion médico-éducatif), Laetitia Møller, réalisatrice du documentaire L’énergie positive des dieux, Christelle Pellen, psychologue clinicienne, chercheuse associée au CNCA (Centre National pour la Création Adaptée) et Jean-Vic Chapus et Lucas Duvernet Coppola, journalistes à Society.