Arno, un Européen aux Trans

27.04.2022

Le chanteur belge Arno nous a quitté ce samedi 23 avril à l’âge de 72 ans après un long combat contre un cancer du pancréas. Au fil des années, il avait tissé une relation particulière avec les Trans Musicales, dont il a été l’un des artistes les plus fidèles.

Avec cinq participations sur quatre décennies différentes, Arno Hintjens, plus connu sous le nom de scène d’Arno, est un des artistes qui a le plus souvent été programmé aux Rencontres Trans Musicales de Rennes. Un fait rare dans un festival qui privilégie toujours la découverte. Jean-Louis Brossard, directeur artistique du festival, s’est confié quant à cette étonnante statistique : “Arno, c’est un des artistes avec Dominic Sonic et quelques autres Rennais qui ont joué le plus aux Trans, parce qu’à chaque fois il amenait quelque chose de nouveau”.

Le premier passage de l’artiste originaire d’Ostende a eu lieu en 1983, pour la quatrième édition du festival. Arno était alors le chanteur d’un groupe nommé TC Matic. “C’est avec TC Matic que j’ai découvert Arno” poursuit Jean-Louis Brossard. “Dans les années 80 il y avait un disquaire qui s’était monté rue Saint-Michel qui s’appelait Discontact. Il était tenu par un type super qui venait de Belgique. Il nous faisait écouter plein de groupe belges et néerlandais qu’on ne connaissait pas, et c’est là que j’ai découvert le premier album de TC Matic et les premiers 45 tours comme “Putain Putain”. C’est comme ça qu’on a eu envie de faire TC Matic aux Trans Musicales, tout simplement”.

Le groupe impressionne alors les Rennais par son professionnalisme (“Ils avaient des flight-cases, on n’avait jamais vu ça”) et par son intensité. “Sur scène il y avait une énergie folle, il y avait Jean-Marie Aerts qui est un super guitariste et ce côté punk-funk que j’aimais chez des groupes comme Gang Of Four ou The Pop Group. Et puis il y a une voix. Arno c’est d’abord une voix et une présence sur scène qui était absolument exceptionnelle. On aimait beaucoup TC Matic, on les a fait jouer plusieurs fois par la suite, puis le groupe a splitté.”



Quand Arno s’est lancé dans une carrière solo, les Trans Musicales ont tout de suite été là. Quand sort en 1986 le premier album éponyme de l’artiste, Arno est revenu le présenter à Rennes. On l’a fait jouer en 1986 aux Trans, à nouveau à la Cité. Il y avait encore Jean-Marie Aerts à la guitare, et d’autres musiciens. C’était une musique assez différente, avec un côté un peu plus chanson.

Et puis en 1991 je l’ai fait revenir avec Charles et les Lulus, un autre projet un peu plus blues, avec d’autres musiciens dont un guitariste incroyable, Roland Van Campenhout, avec qui il avait monté ce projet.” Lors de cette parenthèse, Arno montre un visage assez méconnu du grand public, entre reprises de Rufus Thomas et Captain Beefheart, rythme habanera et toujours une énergie rock sur scène. Des années plus tard, il déclara même dans une interview qu’il regardait la période avec Charles et les Lulus comme la plus belle période de sa vie.

Lui ce qu’il aimait c’est la scène, c’est ce qui lui importait. Dès les premiers accords de guitare il était à fond, avec cette posture et cette façon si particulière de tenir le micro. Il a toujours fait des super concerts, et puis c’était un mec de cœur, un sacré bonhomme, quelqu’un d’attentionné et très sympathique. Un mec que tu sentais heureux de vivre, même si tu sentais un spleen dans ses chansons.”

En 2003, quand les Trans Musicales ont fêté leur vingt-cinquième anniversaire, c’est tout naturellement que Jean-Louis Brossard a invité ce compagnon de route du festival. “C’était au Liberté, où j’avais construit une programmation autour de groupes qui avaient déjà joué aux Trans. J’avais fait jouer Denez Prigent, Arno, les Bérus, Stephan Eicher et puis Bauchklang et Danyèl Waro”.

Arno est revenu une cinquième fois en 2010 à l’invitation de Stromae, dans une sorte de passage de témoin entre générations de chanteurs belges. “Stromae venait de sortir “Alors on danse” et ma fille m’a fait découvrir les leçons qu’il faisait sur Youtube. J’avais trouvé ça super. J’avais contacté l’agent qui s’en occupait et on lui a proposé de monter sa création artistique à l’Aire Libre. Il n’était jamais monté sur scène ou juste dans des boîtes de nuit pour chanter son tube. Avec deux musiciens, ils ont créé le premier show de Stromae qui après est devenu un truc énorme, et Stromae a invité Arno un des jours pour chanter “Putain Putain” avec lui”. Une façon de boucler la boucle avec ce morceau écrit à l’origine avec TC Matic et que les deux compères ont ensuite joué plusieurs fois sur scène ensemble au cours de la décennie.

La dernière fois, ce fut le 13 février dernier, à l’Ancienne Belgique à Bruxelles, quand Arno a invité Stromae à venir sur scène interpréter le morceau avec lui. On y voit le chanteur amaigri mais toujours aussi gouailleur, pour ce qui restera une de ses dernières apparitions sur scène.